Retail : peut-on s’inspirer du modèle chinois ?
Après avoir été longtemps un modèle d’inspiration pour la Chine, c’est au tour des distributeurs européens et français de s’intéresser de très près aux pratiques en cours dans l’Empire du Milieu. Avec en fil rouge une question centrale : l’évolution du commerce omnicanal en Chine préfigure-t-elle l’arrivée du New Retail dans nos pays ?
1. Plantons le décor du retail chinois
Selon l’institut Euromonitor, la croissance du commerce physique en Chine est de l’ordre de 7,7% mais ce chiffre devrait tomber à 4,7% d’ici à 2019. Au pays d’Alibaba, Tencent, JD.Com et consorts, la croissance est tirée par l’e-commerce. « Cependant, il ne s’agit pas d’une compétition entre online et offline, mais plutôt d’une intégration des deux canaux » soulignait Susanna Chiu, directrice de Li & Fung Development, lors du China Connect qui s’est tenu en mars dernier à Paris. Avec quelques 80% des ventes de détail, le commerce physique est, en effet, loin d’être mort..
La croissance du commerce physique en Chine est de l’ordre de 7,7% mais ce chiffre devrait tomber à 4,7% d’ici à 2019 (source : institut Euromonitor)
Pas mort mais peut-être en sursis ?
D’après l’étude sur les tendances du commerce de demain du Paris Retail Week 2018 que nous évoquions il y a quelque temps, 80% des Chinois ont le sentiment qu’ils peuvent se passer des magasins physiques et commander ce dont ils ont besoin directement sur internet (contre 41% des Français).
Et ce pour plusieurs raisons nous apprend l’étude Shopper vs Retailer de Manhattant Associates, spécialiste des solutions Supply Chain et Omnicanales. [su_list icon= »icon: chevron-circle-right » icon_color= »#00988A »]
- En Chine la fidélité n’est pas de mise. Si le produit n’est pas présent en magasin, 23% des clients le chercheront dans un autre magasin ou auprès d’une autre enseigne. En France, ils ne sont que près de 8% à agir de la sorte.
- Selon la même source, à la question qu’est ce qui vous rend le plus fidèle à un retailer, 29% des consommateurs chinois évoquent le programme de fidélité quand ils sont 41% à le citer en France.
- La personnalisation fait aussi la différence : 28% des Chinois estiment qu’une expérience personnalisée les fera basculer vers un distributeur plutôt qu’un autre contre près de 14% des Français.[/su_list]
80% des Chinois ont le sentiment qu’ils peuvent se passer des magasins physiques et commander ce dont ils ont besoin directement sur internet contre 41% des Français (source étude sur les tendances du commerce de demain du Paris Retail Week 2018)
2. La Chine, laboratoire du nouveau retail
L’expression revient en boucle dans la bouche des grands distributeurs. Elle prend appui sur le New Retail, un concept lancé par le poids lourd du e-commerce Alibaba Group et qui allie data et logistique pour offrir aux consommateurs une expérience unique et indépendante du canal de vente, off et online.
Un concept que le groupe a matérialisé en lançant Hema, à la fois espace de vente, de restauration et de livraison. Et surtout, avec son appli smartphone sophistiquée, ses vitrines et écrans interactifs, ses systèmes de self checkout, de reconnaissance faciale, de m-paiement, Hema constitue à lui seul une vitrine technologique.
Et une vitrine des habitudes des consommateurs chinois, rompus aux usages du mobile first et aux achats immédiats par QR Code en mode kiosque sur l’appli WeChat de Tencent (1,2 milliard d’utilisateurs d’après le réseau social).
Appli WeChat de Tencent : 1,2 milliard d’utilisateurs d’après le réseau social.
3. Expériences intéressantes à suivre
Du côté des retailers français, la Chine apparaît comme un terrain d’expérimentation du O2O (online-to-offline).
C’est le cas d‘Auchan ; alliée à Alibaba, l’enseigne a un certain nombre de réalisations en cours comme le concept « Auchan Minute », un magasin connecté de 18 m2, sans personnel, dans lequel l’entrée, le scan des produits et le paiement se font via les applis WeChat et AliPay. Auchan teste également un service de livraison à domicile de produits frais et de grande consommation en moins d’une heure via l’appli le RT Mart Fresh.
La Chine représente également une zone de test pour Carrefour qui y ouvre « Le Marché ». Ce magasin brick and mortar s’appuie sur le partenariat entre l’enseigne et Tencent pour proposer à ses clients de payer avec leur compte WeChat via la technologie de reconnaissance faciale développée par le géant chinois des réseaux sociaux et des jeux vidéo. WeChat permet aussi de chatter sur place avec le directeur de magasin en direct, de scanner et de payer.
Ces développements ne se limitent pas à la grande distribution : le commerce spécialisé n’est pas non plus en reste. « Intersport a récemment annoncé l’ouverture à Shanghai d’un mégastore où les clients reçoivent des recommandations de la part d’assistants IA intégrés aux miroirs et peuvent même essayer leurs chaussures en jouant au basket en réalité augmentée » indiquait récemment dans une tribune Sébastien Badault, Directeur Général France et Directeur International mode & luxe d’Alibaba. Et L’Oréal ne cache pas que ses magasins Maybelline chinois sont pensés pour faire vivre une expérience sur WeChat, depuis l’essayage virtuel des produits de maquillage jusqu’au paiement.
4. Le New Retail made in China est-il le futur du commerce ?
Auchan a annoncé l’arrivée du premier « Auchan Minute » en France, au siège du groupe à Villeneuve d’Ascq.
Reste qu’à date, le consommateur chinois présente des spécificités différentes de celles du consommateur français. Par exemple, selon l’étude de Manhattan Associates, l’encaissement traditionnel est jugé dépassé par les Chinois : seuls 16% d’entre eux en sont des adeptes quand 54% des Français le sont. L’encaissement mobile recueille les suffrages de 38% des Chinois contre 13% des Français, et le scan & go de 38% des Chinois contre plus de 6% des Français.
L’encaissement mobile recueille les suffrages de 38% des Chinois contre 13% des Français, et le scan & go de 38% des Chinois contre plus de 6% des Français (source : étude de Manhattan Associates)
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