« Achats d’espaces : trop de clauses abusives dans les appels d’offres ! »
La directrice «collectivités locales» de CoSpirit MediaTrack s’insurge contre les clauses trop souvent décourageantes qui figurent dans les appels d’offres des marchés publics pour l’achat d’espaces publicitaires. Elle prône un processus de suivi. Et, surtout, le retour de la confiance…
Depuis quelques années, les appels d’offres des marchés publics pour l’achat d’espaces publicitaires comportent trop souvent des clauses d’exécution draconiennes, susceptibles de décourager certaines agences et réduisant l’opportunité de trouver le meilleur prestataire pour la collectivité. En cause ? Le montant disproportionné des pénalités imputées aux agences mandatées pour l’exécution de l’achat d’espaces. Pour mieux cerner les clauses concernées, il convient de s’attarder sur le cadre juridique de l’achat d’espaces dans un marché public. Le code des marchés publics impose que la prestation soit totalement justifiée pour être payable par le trésorier. Ainsi, lorsqu’un dossier n’est pas complet dès l’émission de la facture d’un prestataire quel qu’il soit, un délai supplémentaire est généré ne permettant pas de respecter le délai légal de 60 jours. Plus spécifiquement dans l’activité d’achat d’espaces, la loi Sapin précise que la responsabilité du paiement incombe à l’annonceur, pas à l’agence média. Compte tenu de la très faible rémunération associée, les agences média sont donc contraintes d’attendre d’avoir reçu les fonds de l’annonceur avant de pouvoir les reverser aux régies et supports.
« Les agences doivent-elles tenir le rôle de garde-fou des collectivités territoriales vis-à-vis des supports ? »
Dans l’espoir de réduire le délai de paiement total, les collectivités sont tentées d’inclure des pénalités dans leur contrat pour imposer des délais toujours plus courts à chaque étape du processus administratif. À ces pénalités en pourcentage de l’achat d’espaces, pouvant dépasser la rémunération de l’agence média, s’ajoutent parfois des indemnités forfaitaires de plusieurs dizaines, voire centaines d’euros par jour, détruisant non seulement les honoraires de l’opération associée mais potentiellement toute la rémunération du marché.
Devant les pressions de certains supports, les collectivités vont au-delà en intégrant dans leurs appels d’offres des clauses dérogatoires qui prévoient que le prestataire avance les fonds à la régie ou au support. C’est sur ce point précis que le bât blesse : comme rappelé, dans le cadre de la loi Sapin, l’agence n’est pas responsable de la dette de l’annonceur. Avoir recours à une avance telle que prévue par les codes des marchés publics n’est donc pas une solution viable. Il n’est pas non plus possible à l’agence d’assurer l’achat d’espaces puisqu’il ne s’agit pas de chiffre d’affaires, mais d’une note de débours.
Pénalités de retard
D’autres clauses prévoient des pénalités imputées aux agences en cas de retard des reversements aux supports. Fixé arbitrairement, le montant de ces pénalités peut parfois atteindre jusqu’à dix fois le montant de la parution ! Un récent accord-cadre prévoit ainsi que «lorsque les délais contractuels prévus dans les pièces constitutives du marché sont dépassés, le titulaire encourt, sans mise en demeure préalable, des pénalités de retard correspondant à 100 euros nets de taxes par jour de retard». Pour limiter les dommages collatéraux et garantir la pérennité de leurs relations avec les supports dans l’intérêt de leurs clients, les agences se retrouvent bien souvent dans la situation d’avancer les fonds au profit de l’annonceur pour régler les supports, au risque de se mettre en péril. Doivent-elles tenir le rôle de garde-fou des collectivités territoriales vis-à-vis des supports ? La vraie solution pour améliorer les conditions de paiement par les collectivités passe en réalité par la définition de processus rigoureux de suivi administratif, spécifique aux collectivités et à construire avec les agences, permettant de réduire les délais de traitement et de constitution d’un dossier complet.
Pénalités de non exécution
Des pénalités sont appliquées aux agences mandatées en cas de non respect des délais d’exécution ou d’insertions mal placées. Il n’est pas question ici de remettre en cause le principe des pénalités directement imputables à la qualité de la prestation. Mais pourquoi instaurer cette défiance vis-à-vis des agences dans la définition du montant, à l’instar de cet accord qui prévoit qu’«en cas de non respect des délais d’exécution des prestations d’insertion (…), le prestataire supporte(rait) une pénalité de 30% sur l’ensemble de la facture correspondant à la prestation en cause», le texte ne précisant pas si l’erreur relève du titulaire ou du support ?
Pourquoi l’agence serait-elle rendue responsable de fautes qui ne lui incombent pas ? Une réflexion doit être menée sur la définition du champ de responsabilité du prestataire et le plafond des pénalités appliquées dans le cas où cette responsabilité est établie. Dans l’intérêt de rétablir une relation de confiance entre les collectivités et leurs agences mais surtout dans l’intérêt d’un marché plus équilibré. Imposer des pénalités aussi élevées crée un barrage pour les agences de petite et de moyenne taille qui, en l’absence de ressources suffisantes pour endosser cette responsabilité, préfèrent ne pas s’engager dans la compétition.
Propos de Bérangère Mazuy, Brief, Tribune juin 2015
Crédits photos : CoSpirit / Bérangère Mazuy