Témoignages

Covid 19, un sacré casse-tête pour les RH

Confinement, déconfinement, re-confinement, re-déconfinement : l’année 2020 aura mis les entreprises à rude épreuve. Et confronté la gestion des ressources humaines à des problématiques inédites. Johanna Danot, DRH du groupe CoSpirit MediaTrack, nous raconte son expérience de la Covid-19.

Johanna Danot
DRH du groupe CoSpirit MediaTrack

Après 55 jours de confinement au printemps dernier, les entreprises vivent de nouveau à l’heure du télétravail et des mesures sanitaires : comment le département RH fait-il face à cette situation ?

Johanna Danot :

L’annonce du second confinement nous a en quelque sorte moins pris de court, car nous avons pu nous appuyer sur l’expérience accumulée lors du premier confinement. Ainsi, dès le 30 octobre, toutes les équipes de Paris et de Lyon se sont retrouvées en télétravail. Seul l’entrepôt situé près de Tours nécessite encore la présence physique des équipes dédiées à la préparation des commandes. Nous ne sommes plus du tout dans le même cas de figure que le 17 mars. A l’annonce du premier confinement, l’équipe de direction et les RH ont dû, en effet, réagir très vite pour permettre à tous les salariés de télétravailler. Grâce au soutien de l’équipe informatique, tout le monde a pu très vite être en mesure de télétravailler dans des conditions satisfaisantes (accès aux serveurs à distance, récupération d’un deuxième écran pour plus de confort, prêt de clé 4G…). Le second chantier a consisté à mettre en place les conditions du chômage partiel, c’est-à-dire se renseigner sur la réglementation, monter les dossiers auprès de l’Inspection du Travail, communiquer auprès des managers et des équipes sur l’activation du dispositif et ses incidences financières.
Nous avons travaillé en collaboration étroite avec les membres du CSE (Comité Social et Économique). Nous nous réunissions une fois par semaine, avec la volonté de les associer à toutes les étapes de la mise en œuvre de l’organisation (télétravail, conditions de retour au bureau…).
Cette collaboration étroite a continué après le premier déconfinement. A ce stade, il nous a fallu mettre en application les règles sanitaires et les gestes barrière, nommer des référents Covid par sites et les sensibiliser à ces sujets, au rythme d’une réglementation qui évoluait constamment.

 

Le risque du confinement est de distendre le lien entre l’entreprise et les salariés. Comment avez-vous abordé cette problématique ?

Johanna Danot :

C’est effectivement un gros enjeu. Nous sommes une entreprise conviviale, où l’informel occupe volontairement une large place. Une fois la partie technique résolue, nous avons rapidement commencé à réfléchir à la mise en place de solutions destinées à garder ce lien convivial, à amoindrir le sentiment d’isolement de certains tout en agissant sur la motivation des équipes.

Nous avons ainsi pris une série de mesures.
Nous avons institué des « Cafés Visio » hebdomadaires entre les managers et les équipes. Ils ont généralement lieu en début de semaine, l’objectif n’est pas d’établir le planning hebdomadaire mais surtout d’échanger de manière informelle et de prendre le pouls des équipes.
Au début de l’année 2020, l’équipe de direction et la DRH de Cospirit MediaTrack avaient créé le projet Cornemuse, un rendez-vous mensuel, organisé sous forme de visioconférence le 1er mercredi de chaque mois pour renforcer les relations entre les collaborateurs, et la cohésion entre les sites de Lyon et Paris.
Pourquoi Cornemuse ? Pour sonner le rassemblement et redonner du souffle en quelque sorte.
Pour rester gonflé à bloc pendant le confinement, la fréquence des rendez-vous a été augmentée à une fois par semaine.
Ces réunions virtuelles ont pris plusieurs formes.
Des collaborateurs ont pris la parole à tour de rôle pour présenter leur activité et renforcer la connaissance des différents métiers de CoSpirit MediaTrack auprès de leurs collègues.
Nous avons aussi mis en place des challenges plus ludiques, des défis cuisine, sportifs, musicaux… Un groupe de rock a même vu le jour pendant le confinement, à l’initiative des salariés musiciens, les CoSpistols, qui a repris le titre «  Seven Nation Army » des White Stripes et « All Day and All of the Night » de The Kinks .
Enfin des intervenants externes à l’entreprise sont venus en visio présenter en alternance leur domaine d’expertise ou leur passion. Delphine Le Sausse, championne du monde de ski nautique para- lympique, nous a parlé de résilience, valeur importante et phare de notre groupe. Benjamin Cavelli, membre de l’association Programme Malin, qui donne des conseils sur la nutrition de 0 à 3 ans pour les familles en situation de précarité, nous a présenté son combat. François Marie, membre actif de la fresque du climat, nous a parlé de l’impact et de l’empreinte écologique des entreprises, une belle prise de conscience. Francis Boyer, auteur spécialisé en management, a organisé un atelier sur le plaisir au travail, du savoir-faire à l’aimer faire. Enfin Jean-Marc Lhermet, rugbyman de renom est revenu sur son parcours sportif hors norme.

Comment ont été perçues ces différentes initiatives dans le groupe ?

Johanna Danot :

Ces interventions, qui sensibilisent les collaborateurs aux problématiques actuelles au-delà de l’entreprise, ont été très appréciées. Plus largement, avec un taux de participation de 80%, l’opération Cornemuse, revenue désormais à un rythme mensuel, est encore à ce jour un véritable succès auprès des collaborateurs.

En tant que DRH, quel enseignement tirez-vous à ce stade de la gestion de cette situation inédite ?

Johanna Danot :

Au niveau de l’entreprise, la crise de la Covid 19 a indirectement permis d’accélérer des chantiers en cours.
Je pense tout particulièrement à la digitalisation de la relation employeur/collaborateur.
Le groupe CoSpirit Mediatrack a fait un nouveau pas vers la digitalisation des processus RH en optant pour la dématérialisation des bulletins de paye au sein du coffre-fort numérique de La Poste Digiposte. Et l’usage de la plateforme collaborative Teams, que le groupe avait commencé à déployer dès 2018, est aujourd’hui généralisé dans le groupe.
A titre personnel, ma pratique des ressources humaines était déjà basée sur les discussions informelles, spontanées. Avec cette crise, il a fallu se réinventer mais je suis aujourd’hui encore plus convaincue que la convivialité, la transparence et la proximité sont, d’une part, des atouts majeurs pour traverser les crises et d’autre part, indispensables à la motivation de la plupart de nos équipes.