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Vers un monde sans cookies ?


Après Safari (2017) et Firefox (2019), Google annonce en 2020 la fin des cookies tiers à horizon 2022 sur son navigateur Chrome, rassemblant aujourd’hui 60% des internautes dans le monde. Dénoncés par les défenseurs de la protection de la vie privée, les cookies sont pourtant essentiels dans le modèle économique d’un Internet gratuit, basé sur la publicité. Tour d’horizon des impacts et solutions envisagées, avec Thibaut Cavet, Responsable Programmatique chez MediaTrack, en charge de Phoenix (trading desk interne).

Cookie, kézako ?

Le cookie est apparu en 1994, trois ans après la création du web. Son nom vient de l’expression « magic cookies », qui signifie « un paquet de données ».

Concrètement c’est un fichier texte enregistré par le navigateur (Google Chrome, Firefox, Microsoft Edge, Safari…) sur le disque dur de l’internaute, lorsqu’il consulte un site internet. Ce fichier peut être déposé par le serveur du site visité ou par un serveur tiers (régie publicitaire, service web analytique, etc). On y trouve les pages consultées, les mots clés recherchés, l’heure et la date des consultations, les identifiants, etc.

Concernant le sujet qui nous intéresse, il est surtout important de comprendre qu’il existe deux typologies de cookies :

  • Les cookies “first party” qui ne peuvent être déposés et lus que par le site web consulté par l’internaute (identification, données de personnalisation, historique de panier, etc).
  • Les cookies “third party” – appelés cookies tiers – qui peuvent être déposés par un nom de domaine différent de celui visité (Google Analytics, Régie publicitaire). Ce sont ici des cookies de suivi ou de ciblage.

Les cookies ont initialement été développés dans le but d’améliorer l’expérience utilisateur. Par exemple, en reconnaissant l’internaute, le site peut ainsi lui éviter d’avoir à ressaisir ses identifiants. Même si ce n’était pas l’objectif initial, ces cookies sont aujourd’hui utilisés par les acteurs de la publicité digitale (annonceurs, agences, régies, etc).

Ce sont bien les cookies tiers, la principale source de datas pour les acteurs de la publicité digitale, qui sont voués à disparaître en 2022

Thibaut Cavet, Responsable Programmatique chez MediaTrack

Et la CNIL dans tout ça ?

L’amalgame est souvent fait, mais la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) n’est pas à l’origine de la suppression des cookies. De son côté, elle vise le respect de la vie privée des internautes. Cette dernière n’implique pas nécessairement la suppression des cookies.

La CNIL a recommandé la mise en application des lois européennes RGPD (Règlement général sur la protection des données) et ePrivacy, visant à légiférer le consentement de l’internaute. En résumé, une bannière visible doit informer les internautes de la finalité des cookies, obtenir leur consentement quant à la création et la conservation de ces cookies, et fournir un moyen de paramétrer ou refuser ces cookies. Finalement, aujourd’hui environ 90% des internautes cliquent sur le bouton « J’accepte » par simplicité et pour gagner du temps.

Comprendre les impacts de la disparition des cookies tiers sur la publicité digitale

Les conséquences de la disparition des cookies tiers concernent deux domaines du marketing digital : la mesure et l’activation, autrement dit le ciblage.

  • #Audience : il ne sera plus possible de distinguer les internautes entre eux, et donc de comptabiliser précisément les “visiteurs uniques” versus les “visites”.
  • #Capping : il deviendra difficile de limiter le nombre d’affichages publicitaires pour un seul et même individu
  • #Attribution : la mesure des conversions sera également limitée au profit de méthode comme le « last click » ou des modèles encore plus probabilistes
  • #Post-View : la mesure de conversion après visionnage d’une bannière deviendra impossible
  • #Retargeting : on ne pourra plus connaître le parcours utilisateur, ses mises en panier, ses achats, ni gérer la récence des données
  • #Cross Canal : Il ne sera plus possible de réconcilier les achats physiques des achats digitaux
  • #Data : les annonceurs ne pourront plus enrichir leurs bases de données à partir des profil de navigations des internautes
  • #KPI : les indicateurs de performances (ROI, CPL, CPA) seront plus compliqués à suivre et perdront en pertinence
  • #Personnalisation : sans données individuelles, le ciblage « de masse » redeviendra la norme

 

Les impacts sont nombreux, et l’on parle volontiers de “révolution” dans le monde du digital. Prenons l’exemple de la communication locale : à ce stade, sans nouvelle solution, le ciblage géolocalisé au niveau de la ville, voire même de l’IRIS, risque de disparaître lui aussi

Thibaut Cavet, Responsable Programmatique chez MediaTrack

Quelles solutions pour demain ?

Trois alternatives sont envisagées et à l’étude par différents acteurs, en vue de réinventer la publicité digitale de demain, dans l’ère du cookieless.

1. Le ciblage individuel

Cette solution de ciblage est possible si et seulement si l’internaute est logué. On connaît bien l’identifiant simple (un identifiant pour un site), mais d’autres solutions sont actuellement testées : l’identification mutualisée entre plusieurs sites (appelée SSO, Single Sign-On) ou les plateformes d’identité faisant le lien entre cookie first party et login, et visant le système d’identifiant universel.

2. Le ciblage par groupe ou cohorte

Google a entamé une réflexion sur l’après cookie au sein de Chrome. Baptisée “Privacy Sandbox”, cette initiative consiste à déployer de nouvelles solutions de mesure, d’activation et de sécurité au sein de son navigateur web.

  • Parmi ces solutions, le ciblage par cohorte (Projet FloC) repose sur un algorithme d’apprentissage automatique regroupant les internautes ayant le même comportement de navigation (au moins 5000 individus, afin d’éviter tout suivi individuel). Les annonceurs pourraient ensuite exposer leur message à ces différentes cohortes.
  • Outre le ciblage, Google développe des API : pour mesurer la couverture/reach (Projet Aggregated Reporting), remplacer les pixels d’analyse placés sur les sites (Projet TurtleDove) ou attribuer les conversions en fonction des clics ou des impressions publicitaires (Projet Conversion Measurement).

Même si beaucoup de points restent encore inconnus, on imagine que Google espère pouvoir faire de ces technologies des standards, pouvant être adoptés par d’autres navigateurs web du marché d’ici 2022

Thibaut Cavet, Responsable Programmatique chez MediaTrack

3. Le ciblage contextuel

Alors que la data utilisateur se concentre sur l’internaute à travers ses données sociodémographiques et son historique de navigation, la donnée contextuelle va quant à elle se focaliser sur le contenu et l’environnement dans lequel la publicité est affichée. Ce ciblage offre la possibilité de diffuser un message publicitaire au moment où l’utilisateur est concentré sur une thématique affinitaire précise.

Plusieurs solutions de ciblage – plus ou moins précis – sont à l’étude :

  • Le ciblage éditorial en associant un type de contenu à un lectorat
  • Le ciblage par mot clé en créant des segments en fonction des mots clés
  • Le ciblage sémantique va encore plus loin en s’intéressant au contexte de la page
  • Le ciblage via le contenu multimédia en associant un mot clef à une photographie, un podcast ou une vidéo


La révolution du web et de la publicité digitale est en marche. Malgré toutes les initiatives lancées et les alternatives déjà testées, il n’existe pour le moment aucune technologie offrant les mêmes fonctionnalités que le cookie. Selon Thibaut Cavet, “l’enjeu principal est de trouver une solution globale, interopérable et universelle. Autrement, le risque peut être de se diriger vers un enfermement dans les écosystèmes des géants tels que Google et Facebook, qui captent déjà 75% du marché digital en France.”


Thibaut Cavet et nos équipes digitales restent à votre disposition si vous avez des questions sur cette actualité.