Thibaut Cavet
Directeur Pôle Programmatique • Digital
Les pistes à suivre pour redynamiser l’achat programmatique
La pause observée l’an dernier ne remet pas en cause la pertinence des achats d’espaces publicitaires en programmatique pour toucher une audience ciblée. Au contraire. De nouveau leviers sont aujourd’hui opérationnels comme nous l’explique Thibaut Cavet, Directeur du Pôle Programmatique de CoSpirit Media.
La Rédaction CoSpirit : pour la première fois en 10 ans, les investissements en publicité programmatique ont subi un coup de frein l’an dernier au profit de l’achat de gré à gré. Comment l’expliquez-vous ?
Thibaut Cavet :
Il s’agit à mon sens d’une évolution temporaire. Pas d’une révolution. On assiste à une forme de réorganisation globale du marché, portée par le besoin de sécurité, de réassurance des annonceurs dans une période économiquement et socialement compliquée. Avec l’achat en gré à gré, les annonceurs savent directement où sera opérée leur campagne, quand en programmatique l’ensemble du process d’achat et de vente d’espaces est automatisé et centralisé. Chez CoSpirit Media, nous avons effectivement constaté dans les briefs cette volonté de revenir à des achats plus contrôlés, en direct chez les éditeurs, et tout particulièrement chez les leaders de leurs catégories, sites de news entre autres. Il n’en reste pas moins que l’achat programmatique s’affirme toujours comme un levier puissant sur lequel appuyer la communication publicitaire d’une large catégorie d’annonceurs, à commencer par les plus petits, les plus digitaux. Il permet de cibler une audience précise au bon moment, grâce à l’achat d’espace en temps réel sur les bonnes plateformes. L’orientation observée en 2022 doit se voir comme une pause, et non comme un retour en arrière.
La Rédaction CoSpirit : quelles sont les tendances qui se dégagent cette année en termes de formats ?
Thibaut Cavet :
En plus des leviers classiques (display et vidéo) arrivés à maturité, l’audio digitale poursuit sa dynamique, mais c’est surtout trois formats qui devraient faire la différence cette année.
Le premier est le DOOH (Digital Out Of Home). Annoncé depuis deux ans, le DOOH programmatique va vraiment exploser cette année. L’inventaire n’était pas disponible partout, mais maintenant, le marché est prêt. L’offre est de plus en plus fournie, la plupart des régies se sont connectées aux plateformes d’achat, 80% des inventaires sont accessibles en programmatique.
L’autre support qui bouge est la connected TV (CTV), c’est-à-dire la diffusion de contenus vidéos via internet sur le support téléviseur (Smart TV, appareils de streaming, consoles de jeux vidéo). La CTV s’est développée avec la montée en puissance des offres de streaming sur abonnement comme Netflix, HBO, Disney+, Amazon Prime Video, Canal+, etc. Mais aussi via la vidéo à la demande financée par la publicité (AVOD) comme Rakuten, Plutotv, Molotov etc. Les utilisateurs apprécient la possibilité de pouvoir regarder des vidéos à tout moment, en famille, avec des amis, sur ce qui est toujours vécu comme le grand écran du salon. La publicité digitale sur la TV connectée connaît un nouveau tournant avec le lancement par Netflix et Disney+ d’une offre hybride d’abonnements financés par la publicité. Le coût est le premier motif de désabonnement. Cependant, il est trop tôt pour savoir si les Français sont prêts à accepter de recevoir de la publicité en échange du prix, ou si les abonnements classiques vont repartir à la hausse.
Enfin le troisième support à suivre est la TV segmentée. Jusqu’à il y a peu, il fallait que tout le monde soit aligné dans la chaîne de commercialisation et diffusion, les régies publicitaires, les partenaires technologiques des chaînes, les annonceurs nationaux et locaux, et que le marché comprenne les bénéfices d’investir dans ce média. La force de la TV segmentée réside dans sa capacité de ciblage : ciblage géographique qui permet d’opérer des campagnes locales, au niveau d’un département, d’une ville, sans déperdition, et ciblage dans la qualification des foyers, des usages TV.
C’est la puissance du media TV alliée à la finesse du digital.
En revanche, l’achat se concrétise pour l’instant principalement en RON (Run Of Network), il n’est pas encore possible de choisir quand et sur quelles chaînes d’un même groupe audiovisuel la campagne sera diffusée, à la différence de la TV linéaire. Mais ce manque de précision est compensé par la possibilité surpresser la diffusion sur des zones géographiques ciblées, sur des zones de chalandises ou sur un segment de cible stratégique pour l’annonceur.
La Rédaction CoSpirit : comment l’agence CoSpirit Media accompagne-t-elle ses clients dans ces évolutions ?
Thibaut Cavet :
En CTV, nous diffusions déjà sur ce device sur nos campagnes Youtube par exemple, mais l’idée est de désormais en faire une offre dédiée dans nos activations VOL en mettant en avant ses spécificités. En ce qui concerne la TV segmentée, nous avons une campagne en cours pour le parc Vulcania qui a choisi CoSpirit Media pour l’accompagner tout au long de la saison 2023. Ce dispositif s’insère dans une stratégie multicanale, TV / vidéo multiscreen, OOH, digital, radio/audio, opérations spéciales et il se décline en quatre vagues. Nous avions initié les premières campagnes en direct via nos experts TV l’an passé pour ALDI, en complément des spots linéaires car les emplacements n’étaient pas encore achetables aux enchères en programmatique.
Reste la question du prix d’achat (CPM). Un pic avait déjà été atteint avec la catch up. La TV segmentée est arrivée ensuite avec un prix qui a un peu étonné le marché. Et aujourd’hui, Netflix lance une offre encore plus chère, et rebat les cartes.
Le challenge va être de bien vendre ces nouveaux outils. L’innovation fait toujours rêver, mais encore faut-il bien cibler, ne pas investir l’intégralité du budget dans un seul levier mais trouver un bon équilibre entre une campagne display classique, une campagne YouTube, une campagne TV segmentée, un dispositif d’audio-programmatique, du DOOH…
Tous ces dispositifs sont activables depuis les mêmes plateformes, il faut déterminer quel est le levier le plus adapté aux objectifs du client, et le plus efficace. La mesure de l’efficacité tient compte aujourd’hui d’un nouveau KPI pertinent qui est l’attention. On estime, en effet, que les consommateurs sont confrontés aujourd’hui à 6 fois plus de messages publicitaires que dans les années 1980, mais leur capacité d’attention n’a évidemment pas augmenté à la même hauteur. Le fait qu’une bannière soit visible ne signifie pas qu’elle a été bien vue dans son environnement. Nous menons des tests avec plusieurs acteurs spécialisés dans ce domaine, tels que DoubleVerify qui a lancé l’Attention Lab, un outil dédié à l’analyse des données relatives à l’attention, ou Xpln.ai, qui analyse et donne un score d’attention aux bannières.
Cette nouvelle manière de mesurer l’efficacité ouvre des opportunités pour optimiser la performance des campagnes.
La TV segmentée en chiffres
- Plus de 1 300 campagnes publicitaires ciblées ont été diffusées en 2022 à la télévision, soit le triple de 2022
- Plus de 700 annonceurs ont investi en TV segmentée
- 49% des campagnes étaient 100% géolocalisées
- 6,6 millions de foyers étaient éligibles à la TV segmentée à la fin du second semestre 2022
Source : SNPTV et AF2M
La CTV en chiffres
- 90,3% des foyers ont un téléviseur (-1 point sur un an)
- 49 % des foyers équipés en TV connectée et accédant à internet possèdent une Smart TV (+5 points en un an et +13 points en 2 ans)
- Pour 92,7 % des foyers la TV en direct reste le premier usage sur les interfaces des TV connectées
- 64,1 % des équipés en Smart TV et 58,4 % des possesseurs d’un décodeur TV de FAI ont recours aux fonctionnalités autres que la télévision en direct quasi-quotidiennement
- 85,7% utilisent le téléviseur pour le visionnage de programmes de rattrapage, 78,2% pour la consommation de contenus OTT, sur des plateformes de partage de vidéos ou des services de médias audiovisuels à la demande
Source : ARCOM / Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers (1er semestre 2022)