2023, année charnière pour l’avenir du catalogue

Est-ce besoin de le rappeler, le catalogue est encore aujourd’hui le premier budget media des grandes surfaces alimentaires. Va-t-il le rester ? Les réflexions autour de l’utilisation de ce media se sont, en effet, fortement accélérées en 2022, pour aboutir à un désengagement partiel d’une partie des poids lourds du retail, avec des stratégies de compensation locales tant offline que online qui sont parfois variables selon les enseignes, les zones, voire les magasins.

Plusieurs paramètres ont motivé cette prise de décision.

La flambée du prix du papier, passé de 500 € à 1.200 € la tonne en 2 ans, est un des premiers éléments mis en avant par les retailers pour justifier ce revirement stratégique. Le prospectus était, en effet, le media le plus pertinent à utiliser pour communiquer en masse à faible coût. Avec l’inflation de la matière première, ce n’est plus autant le cas, quand on sait que le coût des prospectus se situe entre 300.000 et 500.000 euros en moyenne, par an, pour un hypermarché.

L’argument financier se double d’un argument écologiste sur l’impact environnemental et le gaspillage. Même si les solutions de remplacement ne sont pas forcément plus vertueuses et que les annonceurs ciblent de plus en plus et de mieux en mieux les zones distribuées, reste le chiffre de 42% des Français qui jetteraient systématiquement les prospectus papiers sans les lire (Harris Interactive pour Armis, 2020).

A l’inverse le catalogue est, pour de nombreux français, un enjeu de pouvoir d’achat, dans une période critique pour de nombreux foyers. C’est aussi un enjeu d’emploi local avec des emplois peu qualifiés qui localement contribuent à nourrir la richesse d’une zone.

La mise en place de l’expérimentation du Oui Pub depuis le 1er septembre 2022 dans une quinzaine d’agglomérations françaises change considérablement la donne. Pour mémoire, les quelques 2,6 millions de Français concernés ne reçoivent pas de catalogues papier dans leur boîte aux lettres, sauf s’ils ont donné leur consentement en y apposant l’autocollant Oui Pub. Cette expérimentation issue de la loi Climat et Résilience de 2021 n’a lieu que sur 4% du territoire national et s’échelonne jusqu’à fin avril 2025.
Dans les premières zones où a lieu le test, les données font état d’environ 16% d’autocollants mis en place, un chiffre qui n’est pas anodin – et en peu de temps – alors même que certaines communes ont très peu communiqué sur le dispositif. Dans le détail, les chiffres (de Oui Pub) montent à plus de 50% dans les zones rurales pour descendre à 5% dans les grandes villes (au regard aussi d’une absence de communication). Ce sont des 1ers taux significatifs qui prouvent quand même l’appétence des habitants pour ce media, quand on sait qu’il a fallu presque 20 ans pour approcher les 25% de boîtes aux lettres avec un Stop Pub. Ces taux disent aussi que le catalogue ne pourra plus être utilisé comme aujourd’hui, et qu’il faut repenser la stratégie, sans que cela ne passe forcément par un arrêt complet du catalogue.

Ils arrêtent

Cora France a acté sa décision le 10 janvier dernier de ne plus imprimer ni distribuer de prospectus papier dans 100 % de ses magasins. Cet engagement permettra une économie de 15.500 tonnes de papier selon l’enseigne. « Papier Prospectus, la seule espèce qu’on accepte de voir disparaître » peut-on lire dans ses 60 magasins. Cette décision définitive fait suite à une série de mesures prises par le retailer en 2022 (diminution des quantités distribuées, impression sur un simple feuillet qui renvoyait vers l’ensemble des dispositifs digitaux). Cora passe désormais à une dématérialisation complète de ses offres promotionnelles qui seront mises en avant sur les médias digitaux et offline, notamment en radio, et localement en affichage / PQR. Un pari pour cette enseigne active dans le Nord-Est, une région très promophile.

E.Leclerc a annoncé qu’il arrêtera définitivement la distribution des prospectus nationaux en boîtes aux lettres dès septembre 2023 prochain. Cette décision qui concerne les 600 adhérents des 734 magasins de l’enseigne bretonne, permettrait d’économiser 50.000 tonnes de papier chaque année. Leclerc précise qu’il compensera la disparition des prospectus papier en s’appuyant sur les formats numériques et en développant les promotions et les évènements pour conforter son image d’enseigne petits prix. Selon une première étude de NielsenIQ sur le Oui Pub, rapportée par Olivier Dauvers (spécialiste de la distribution), les enseignes perçues comme moins chères par les clients ont vu leur fréquentation augmenter (+4,9%), à l’inverse de celles perçues comme plus chères (-2,6%). A noter : Leclerc distribue aussi un certain nombre de catalogues locaux et régionaux, qu’en sera-t-il après le 1^er septembre ?

Ils réduisent

Carrefour France a entamé une démarche de réduction progressive de ses catalogues papier pour en faire baisser les volumes distribués de 40 % en 2023 et de 80 % en 2024. Une décision forte pour une enseigne qui distribue jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires par semaine. Les 20% de volumes restants concernent les zones rurales dans lesquelles Carrefour travaille à identifier des leviers substitutifs. Les premiers tests menés depuis plusieurs mois ont eu lieu dans des zones urbaines comme Lille, Paris, Lyon, Marseille, Nice, Toulon… pour s’échelonner ensuite dans des zones péri-urbaines. Le déploiement des solutions alternatives au papier s’appuie en grande partie sur les 14 millions de cartes de fidélité qui permettent de pousser le catalogue différemment, par e-mail, sms, e-catalogue personnalisé. Carrefour booste également son activité promotionnelle dans les médias locaux offline en presse, radio et online sur les réseaux sociaux avec une stratégie différenciée selon les magasins et les types de zones qui s’appuie sur une démarche locale.

Ils continuent

Les magasins U persistent et signent, pas question pour eux d’arrêter de distribuer des prospectus dans les boîtes aux lettres. Système U explique sa décision par un certain nombre d’arguments. Le premier concerne l’implantation des magasins U, dans des zones majoritairement rurales, où 60% des clients restent attachés à la lecture du catalogue. Cette situation limite l’efficacité et la puissance des alternatives digitales pour le moment, sans compter leur empreinte carbone, dont on parle moins que de celle du papier, mais qui est un sujet. A l’inverse, chez Système U, on souligne les efforts faits pour « améliorer » le catalogue : encre et papier recyclés, impression en France, respect du Stop Pub et du Oui Pub, réduction du nombre de pages et quantités de catalogues mieux définies. L’enseigne met également en avant l’écosystème de l’impression-distribution de catalogues qui représentent plusieurs milliers d’emplois en France, parmi lesquels on compte 30.000 distributeurs. Et estime qu’en période d’inflation, le catalogue permet de comparer la quasi-totalité de l’offre des magasins.

Une prise de parole qui montre que le sujet de l’avenir du catalogue n’est pas « clos », mais que le media entre bien dans une nouvelle ère. Contre toute attente, le catalogue sera-t-il boosté par le Oui Pub, en transformant un media subi en media demandé, avec un ROI très augmenté ? Les solutions alternatives seront-elles suffisantes ? De vraies questions pour l’avenir.  Nous ne manquerons pas de vous tenir informé.es de nouvelles prises de position chez ceux qui n’ont pas encore officialisé leur direction.